Louis Victor BRANCHU
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Madeleine Marie Victorine BRANCHU
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Ma grand-mère
(source : Archives familiales) |
Aujourd'hui, nous allons nous plonger dans un cahier du jeune Louis Victor BRANCHU alors âgé de 16 ou 17 ans. Ce dernier a tenu un petit cahier intitulé "Promenades Scientifiques" dans lequel il raconte différentes sorties scolaires à l'usine à gaz du Mans ou à l'église Notre-Dame de la Couture. J'y apprend qu'il était président de la musique instrumentale de son école et qu'il y jouait de la petite flûte.
(source : Archives familiales) |
Je me rappelle que ma grand-mère me parlait d'une flûte qu'ils avaient au grenier. Je pense qu'il devait s'agir de la flûte de Louis Victor BRANCHU qui était son grand-père. Il était également président du "Conseil de l'Orphéon" où il tenait le poste de 1er ténor, ainsi que 1er sacristain ou sacristain en chef du service de la chapelle. À la fin de ce petit cahier se trouve un texte intitulé "Une journée d'Examen" que je vais retranscrire ici et tenter d'illustrer avec des images d'archives. Les mots qui suivent sont ceux de mon arrière-arrière-grand-père alors âgé de 16 ans dans une orthographe quasi-parfaite :
"C'était en l'année 1887, le 21 Juillet, je devais me présenter à l'examen du Certificat de Grammaire.
Je m'éveillais le matin, à 4h 1/4 pour partir à 5 heures juste. Je me levais d'abord avec un assez violent mal de tête, puis après m'être habillé promptement, je mangeai mon chocolat avec peu d'appétit, ce qui tourmenta un peu mes parents. Enfin à 5 heures moins 20, je partai de chez nous accompagné de mon père."
Domicile de la famille Branchu, rue Saint-Charles, au Mans. (source : Archives familiales) |
"Le temps était pluvieux et dura ainsi tout le matin, mais le soir le temps fut assez beau. A 5 heures 3 minutes le train se mettait en marche, moi, si ce n'est mon mal de tête qui se calma un peu, je n'avais nullement peur pour mon examen, et je ne m'en tourmentais pas plus que cela. J'emportais un dictionnaire latin-français pour la version, une main de copies, un porte-plume, un crayon et des plumes. Je m'amusais pendant le trajet à noter les stations de la ligne d'Angers (c'était dans cette ville que devait avoir lieu l'examen)."
(source : Archives départementales de la Sarthe - 2Fi05784) |
"Les stations sont celles-ci, d'abord dans la Sarthe : Voivres, la Suze, Noyen, Avoise, Juigné, Sablé, Pincé-Précigné, puis dans le Maine-et-Loire, Morannes, Etriché-Châteauneuf, St Sylvain-Briollay, Ecouflant, la Maître-Ecole et Angers. Je regardais aussi de temps en temps par la portière pour voir la campagne. La ligne suit presque tout le temps la Sarthe, puis elle passe sur le Loir près d'Angers et non loin de cette ville, on voit au loin les 3 rivières (la Sarthe, le Loir et la Mayenne) arrivant parallèlement pour se jeter les unes dans les autres et former ainsi la Maine qui passe à Angers."
(source : Archives départementales du Maine-et-Loire - Angers - Panorama de la Maine) |
"Enfin, petit à petit, le temps passa, et à 8 heures 1/2 le train s'arrêtait sous la marquise de la Gare St Serge. Il était 8 heures 1/2. Nous prîmes alors une voiture pour être arrivé à 9 heures (heure de l'examen) au Lycée, car c'était là que devait avoir lieu l'examen."
(source : Archives départementales du Maine-et-Loire - Angers - Gare Saint-Serge) |
"Nous arrivâmes devant la grille donnant sur la Cour d'Honneur à 9 heures moins 1/4. Nous vîmes là 6 jeunes gens, tous barbus, âgé à peu près de 24 à 25 ans que nous prîmes, mon père et moi, pour des professeurs, mais nous nous trompions, c'étaient des candidats comme moi. Tous étaient munis du baccalauréat es lettres, excepté un venant de Précigné. 5 minutes après, nous vîmes au loin un élève qui paraissait être un candidat, en effet, c'était un élève du collège de Beaufort. Il était à peu près de ma taille. Nous étions dont tous deux les plus jeunes et les plus petits."
(source : Archives départementales du Maine-et-Loire - Angers - Lycée David d'Angers : vue générale) |
"A 9 heures, l'inspecteur apparut dans la cour d'honneur et nous fit signe d'entrer. Je dis au revoir à mon père et j'entrais dans la cour avec les autres. Nous ayant fait mettre en rang, nous passâmes dans de larges corridors aboutissant à une vaste cour toute bordée d'arbres et autour de laquelle se trouvaient les classes. On nous fit entrer dans la septième. Là on fit l'appel et on nous assigna chacun une place. J'étais à côte d'un bachelier. Dès que nous fûmes placés, l'inspecteur tira une enveloppe de son carnet, et l'ouvrit. C'était la version latine. Il la passa alors au surveillant qui nous la dicta assez mal ; heureusement qu'on nous passa le texte après et qu'alors je pus vérifier. Le texte de la version était ainsi conçu : (mot à mot) Cnaeus Domitius tribun du peuple, avait cité à la justice du peuple romain Marcus Scaurus, irrité de ce que il n'avait pas été élu par lui pour faire partie du collège des augures. Domitius avait un grand désir de châtier son ennemi. Pendant la nuit, un esclave de Scaurus vint trouver Domitius et lui promit de préparer l'accusation qu'il voulait faire contre Scaurus en lui dévoilant des crimes prétendus commis par son maître. Mais Domitius ne voulut pas croire à la parole d'un esclave perfide. Il se ferma aussitôt les oreilles et lui ordonna de se taire puis le fit conduire à son maître. C'est ainsi que la justice a vaincu la haine chez un accusateur ennemi (Domitius). Ensuite tant pour cela que pour ses autres vertus, le peuple romain nomma avec plaisir Domitius consul et grand pontife (auteur) (Valère Maxime) D'abord au début, je n'éprouvais aucune difficulté, mais à la 5ème phrase, je fus assez embarrassé. Le reste alla bien. Je donnai ma copie le premier, mais étant peu sûr du succès. Le correcteur et surveillant me dit alors de m'en aller si je voulais, mais je lui repondis que j'étais obligé d'attendre parce qu'on aller venir me chercher à 11 heures ; il était 10 heures 1/4. Je restai donc, mais je m'ennuyai. Alors mon voisin donna sa copie environ 10 minutes après moi et je pus alors causer avec lui, mais tout bas. Je lui demandai de me passer son brouillon pour voir le passage difficile et je trouvai sa construction de la phrase 5ème toute différente de la mienne. Comme il était bachelier, je crus sa copie meilleure que la mienne et aussitôt, bien tourmenté je pris le texte latin et je trouvais que sa construction et la mienne allaient bien toutes deux avec le texte. Lui au lieu de ce que j'avais mis avait ainsi traduit : Ayant fait boucher les oreilles de l'esclave et sa bouche il le fit conduire à son maître. Je réfléchis un peu, et crut ma phrase meilleure, car comment fermer la bouche d'un homme et boucher ses oreilles, d'abord, l'esclave n'avait rien à entendre, il avait à parler. Et il me semble que ma phrase est plus compréhensible car Domitius ne voulant pas écouter une médisance se fermé les oreilles, quant à l'esclave, il lui ordonne de se taire. C'est tout simple et plus claire que la sienne. Je fus un peu rassuré et plus encore, lorsque je vis le correcteur faire de nombreuses ratures sur sa copie et peu sur la mienne. Ma crainte était dissipée."
(source : Archives départementales du Maine-et-Loire - Angers - La rue Bressigny) |
"A 11 heures nous quittâmes la salle, après qu'on nous eut dit de revenir à 1 heure précise pour savoir le résultat de l'écrit. Etant sorti, j'attendis quelque temps dans la rue jusqu'à ce que vis mon père. Je lui racontai alors ce qui s'était passé et lui expliquai comme ci-dessus. Nous allâmes bien vite déjeûner à l'hôtel de la Sirène, dans la rue Château-Gonthier, près de la rue du Faubourg Bressigny, près du Lycée. Je mangeai pas mal et au bout d'une demi-heure on quitta la table après avoir laissé à l'hôtel mon dictionnaire, mon papier et mon écritoire. Nous allâmes alors nous promener sur le Boulevard du Mail, puis sur la place du Ralliement où est le Théâtre, nous vîmes alors l'hotel des Postes récemment construite et un beau magasin de nouveautés portant comme enseigne : "A la Belle Jardinière". C'est une succursale du magasin du même nom situé à Paris."
(source : Archives départementales du Maine-et-Loire - Angers - Place du Ralliement - Hôtel des Postes) |
"Après une demi-heure de promenade, vers 1 heure moins 20, nous nous dirigeâmes de nouveau vers le Lycée et je retrouvais à la porte les candidats du matin. A 1 heure précise, l'inspecteur apparut et nous allâmes dans la même salle que le matin. Nous formâmes le cercle et l'inspecteur debout devant une table recouverte d'un tapis vert et couverte de livres devant servir pour l'oral, et l'inspecteur ayant à ses côtés tous les examinateurs c'est à dire 7, nous prononce ces paroles : "Messieurs, après avoir examiné les copies faites ce matin, la commission a déclaré admis à subir l'épreuve orale, les candidats dont les noms suivent : Alors il se mit à lire les noms des élèves reçus et mon nom fut nommé le dernier, j'eus une véritable peur, je me croyais collé quand je n'entendis point nommer mon nom, mais seulement à la fin. Mais tout à coup, Mr l'Inspecteur s'arrête après mon nom et m'appelle. Je me montre alors, mais peu tranquille, je ne savais trop ce qu'il allait me dire. Mais bientôt je fus rassuré et content car il me fit compliment de ma version. Puis il dit en s'adressant aux deux autres non reçus : Mais nous avons le regret d'annoncer à Mr, et Mr (car je ne me souviens pas des noms) que leur version étant vraiment trop faible et celle (du 2ème) surtout presque nulle, la commission déclare qu'ils ne sont pas admis à subir les épreuves orales. Ces deux-là s'en allèrent alors, c'étaient deux bacheliers (Ils n'avaient sans doute pas étudier leur latin depuis leur baccalauréat, et alors devaient être bien rouillés sur ce point.) Nous restâmes donc six pour passer l'oral. 3 bacheliers, un élève de Précigné, un élève du collège de Beaufort, et moi."
"On m'envoya tout de suite à l'anglais. J'avais à préparer pour cette matière les voyages de Christophe Colomb et l'Histoire d'Angleterre, or ils s'écartèrent du programme en me donnant un recueil de versions dans lequel il m'en fit traduire une intitulée : The farmer and his dog "Le fermier et son chien". Il était en effet question d'un fermier qui revenant de son champ fut tout à coup stupéfait de trouver sa maison toute en désordre. Le berceau de son enfant était vide et son chien tout couvert de sang était auprès. Le père crut que le chien avait dévoré son fils, mais relevant les draps il le trouva enveloppé dedans. Quant au chien il était ainsi couvert de sang parce qu'il avait défendu son jeune maître contre un loup affamé qui voulait dévorer celui-ci"
"Je réussis à peu près cette version, car il y eût des mots que je ne connaissais pas et dont le professeur fut obligé de me donner la signification. Après cela il me demanda quel âge avez vous ou How old are you ? Je lui répondis I am sixteen years old. Puis comment je me portais ? Very well, lui répondis-je, ce n'était pas vrai. Il me demanda ensuite quelle différence il y avait entre un verbe régulier et un verbe irrégulier. Je lui répondis que le participe passé du verbe régulier se terminait toujours par ed et que le participe passé du verbe irrégulier avait au contraire une terminaison particulière. C'est bien me dit-il, allez dans la classe à côté. Je passais alors dans cette classe et je trouvais là un examinateur pour les mathématiques. Il était encore en train d'examiner un grand, un bachelier, il lui demandait de faire une division dont les 2 nombres sont décimaux, il ne put jamais y arriver, il ne savait quoi faire des virgules. Enfin cela fut bientôt à mon tour, et il me demanda une règle de trois inverse, une règle d'escompte en dehors et une en dedans. Puis pour la Géométrie, il me dit démontrer : les 3 angles d'un triangle = 2 dr. Il m'envoya alors en me disant c'est bien."
Buste de Trajan (règne 98-117 ap. J.-C.), portant la couronne civique, une courroie d'épée et l'égide (attribut de Jupiter et symbole de la toute-puissance divine). (licence CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons) |
"Je passais alors dans la classe à côté où je trouvais l'examinateur d'histoire Romaine et de Géographie de la France. En Histoire Romaine il me demanda le règne de Trajan. Mes réponses ne furent pas brillantes, car je savais peu de choses sur cet empereur. En Géographie, cela alla mieux, il me demanda quell était la nature des côtes de la Manche. Le Département de l'Orne, chef-lieu et sous-préfectures. Ou est située Caen, Dieppe et quelles sont les villes arrosées par l'Eure. Je répondis à toutes ces questions, mais la dernière, je la manquai, il me demanda en effet dans quelle vallée l'Eure prend sa source. Je ne répondis rien et il m'envoya. Je passais alors dans la classe à côté où je trouvais l'examinateur pour le Grec et le Français. En Grec, il me demanda le 7ème dialogue des Morts (de Lucien). Ma traduction fut assez bonne, je l'avais vu il y avait une huitaine de jours. Il me demanda ensuite plusieurs interrogations sur la grammaire et des mots français tirés du grec. Pour les questions sur la grammaire je répondis assez bien, mais pour les étymologies, je ne pus trouver la signification. Pour le Français, il me fit expliquer une lettre de madame de Sévigné dans laquelle elle parle qu'elle a bu un bouillon de vipères, je n'y comprenais rien du tout, je me suis cependant tiré d'affaire par mon analyse grammaticale."
Claude Lefèbvre, Portrait Marie de Rabutin-Chantals, Marquise de Sévigné, vers 1655 (source : domaine public via Wikimedia Commons) |
"Il me demanda ensuite qu'est ce qu'était que l'ellipse. Bonne réponse. Puis il m'envoya. Je passais alors au latin où on me fit expliquer un passage de l'Eneide de Virgile, livre 1er. J'avais traduit ce passage là la veille, je traduisis donc bien, puis il me posa plusieurs questions sur la grammaire auxquelles je répondis excepté à une. Il me renvoya alors et me dit d'aller en face. Je trouvais là l'examinateur pour l'histoire naturelle. Il me demanda, l'action de la mer sur le continent. Je lui répondis par les dunes, les falaises, les glaciers. Ensuite il me demanda la constitution du sol de la Sarthe ; je lui répondis que c'était du terrain devonien, ce qui était vrai, mais ce qu'il n'admit pas, il me cita alors un nom dont je ne m'en souviens pas ; même question pour l'Indre et Loire, le Calvados, la Seine-Inférieure, l'Eure ; pas de réponse. Divisions des terrains secondaires. Réponse non suffisante pour lui, il me cita alors une foule de subdivisions dont j'ignorais complètement les noms. Me voyant perdu, il me demanda dans quel auteur que j'avais étudié : Je lui répondis dans l'histoire Naturelle de Jabre et celle de Langlebert. C'est fâcheux, me dit-il, puis ile me fit une dernière question vraiment bête : Pourquoi le mammouth avait-il du poil, et pourquoi l'éléphant n'en a til pas. Pas de réponse. Il ma demandé ce qu'était la craie. Du carbonade de chaux, répondis-je, citez m'en un exemple, le blanc que j'ai dans la main. Il m'envoya alors. (J'ai oublié de dire que pendant ces interrogations sur cette science, j'eus un mal de tête et de coeur abominables, si bien que je crus que j'allais m'évanouir.)."
"Je passais après cela à la chimie. Rien que des réactions. Sur cinq, je répondis à 3. En physique, il me demanda la marche des rayons au travers d'un prisme. Bonne réponse et bonne explication. Puis image d'une ligne lumineuse placée devant une lentille biconvexe et cette ligne étant perpendiculaire à l'axe principal. Je fis ce que je pus, mais je ne savais guère, afin aidé plusieurs fois par professeur, j'aboutis. Puis ensuite Marche d'un rayon lumineux passant par 2 miroirs faisant angle. Je ne répondis rien. Il m'envoya. L'examen était fini. J'étais peu rassuré sur ces 3 dernières matières. Quand tous eurent passé, On nous envoya tous dans la cour, on se fit part alors les uns aux autres de nos émotions, enfin après une demi heure d'attente, pendant laquelle tous les professeurs s'étaient réunis pour faire le total des points, on ouvrit la porte de la salle où ils étaient (les examinateurs) et on nous fit approcher. J'étais bien tourmenté. Alors il lut les noms des élèves admis, j'étais dans le nombre, il nous fit à chacun nos petites observations, et me dit à moi que je devais mon admissions à mes mathématiques. Il y en eut un seul de non reçu, c'était le bachelier qui ne savait pas faire la division."
Diplôme obtenu suite à ces épreuves (source : Archives familiales) |
"Je m'en allais alors en sautant comme un fou dans les corridors et je sortis dans la rue ; comme je n'y vois pas de loin, je cherchais de tous côtés mon père. Comme j'étais occupé à le chercher, je paraissais sérieux, alors mon père de loin me voyant ainsi, me crut non reçu mais lorsqu'il me vit accourir à lui en riant (car je l'avais aperçu et reconnu) il vit bien que j'etais reçu, il m'embrassa alors et était aussi content que moi. Nous allâmes bien vite au bureau du Télégraphe pour envoyer une dépêche à maman, car elle nous avait bien dit de lui en envoyer une tout de suite. Il était 3 heures 35 quand nous arrivâmes dans le bureau, j'écrivis la dépêche et nous partimes pour le Jardin des Plantes puis ensuite sur les quais et à 5 heures nous prenions le train pour Le Mans. A 7 heures j'arrivais dans cette ville, bien las de ma journée, mais aussi bien content."