mercredi 20 août 2014

L'héritage de Pierre Félix DELARUE

Simon BRANCHU + Marie ROUSSEAU
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Marie Françoise BRANCHU     Victor Auguste BRANCHU
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Marie Renée TESTU                Louis Victor BRANCHU
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                                                        Madeleine Marie Victorine BRANCHU
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                                                     Ma grand-mère
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                                                  Mon père
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                                                    Moi

Hier, je me suis rendu aux archives nationales, à Paris, pour consulter le contrat de mariage de Marie Renée TESTU, fille d'un charron de Coulans-sur-Gée (Sarthe) et de la fille d'un de mes ancêtres, avec Félix Charles NOUVELLIÈRE, architecte et fils naturel d'une lingère du Mans (Sarthe). Ce document a été riche en surprises et en découvertes et m'a fait apprécier l'univers richissime des archives notariales.

Mon dossier aux Archives nationales
(source : photo personnelle)
Après avoir réservé mon dossier sur le site internet des archives nationales, j'ai trouvé, en tournant les actes de juillet 1875 de Maître Eugène Julien HATIN, le contrat de mariage que je cherchais.

(source : Archives nationales - MC/ET/XIX/1193)
Comme souvent, dans un contrat de mariage, mes yeux filent directement sur la dot, moyen intéressant de connaître le niveau de vie de nos aïeux. Et quelle ne fut pas ma surprise quand j'ai découvert la dot extraordinairement élevée du futur époux : 
  • 7 000 F en habits, linge, bijoux, vêtements et bibliothèque
  • 10 000 F en deniers comptants
  • 5 000 F représentant la valeur de son cabinet d'architecte 77 rue de Maubeuge à Paris
  • 35 000 F de créances de sa clientèle
  • 67 200 F de rente sur l'état français
  • 31 700 F d'obligations du chemin de fer du Nord
  • 10 867,50 F d'obligations du chemin de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée
  • 20 182,50 F d'obligations du chemin de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée
  • 6 940 F d'actions du chemin de fer du Midi
  • 2 885 F d'actions du chemin de fer de l'Est
  • 6 170 F d'actions du chemin de fer autrichien
  • 5 000 F d'obligations au porteur de la ville de Paris
  • 3 490 F d'obligations au porteur de la ville de Paris
  • 3 876 F d'obligations au porteur de la ville de Paris
  • 5 200 F d'obligations au porteur du canal maritime de Suez
  • 4 840 F d'obligations du Crédit foncier de France
  • 576 F d'obligations du Crédit foncier de France
  • 4 650 F d'obligations communales du Crédit foncier de France
  • 5 800 F d'obligations au porteur du chemin de fer des Charentes
  • 22 051, 62 F de rente française
  • 11 596 F de rente française
  • 12 320 F d'obligations du chemin de fer du Midi
  • 9 300 F d'obligations du chemin de fer de l'Ouest
  • 8 034 F d'obligations du chemin de fer de l'Est
  • 12 628 F d'obligations du chemin de fer du Dauphiné
  • 9 641 F d'obligations du chemin de fer d'Orléans
  • 13 684 F d'obligations du chemin de fer d'Orléans
  • 2 952,25 F en une maison de campagne à Montmorency
Soit un total d'apport en dot de 338 388,87 F ! Comparé aux contrats de mariages de mes vignerons qui s'apportaient entre 200 et 400 F de dot, c'est radicalement différent. C'est surtout extrêmement étonnant de la part d'un enfant né de père inconnu et d'une mère lingère. Après cette débauche de dot sur dix pages (toutes les actions sont détaillées avec leur numéro, leur taux, etc.), un petit texte m'explique la raison de cette fortune.

(source : Archives nationales - MC/ET/XIX/1193)
"... Cet apport est libre de toutes dettes, et grevé (seulement

pour portion) d'usufruit au profit de mad.me Delarue, comme il est dit ci-
dessus. Il lui provient tant de ses gains et économies que du legs universel
fait à son profit par M. Pierre Felix Delarue, en son vivant architecte,
propriétaire, chevalier de la légion d'honneur, demeurant à Paris, rue de 
Compiegne n°4 décédé en sa maison de campagne à Montmorency (Seine
et Oise) rue des Chesnaux 15, le trente aout mil huit cent soixante
treize, aux termes du testament olographe de ce dernier ..."
Ma première théorie est que ce Pierre Félix DELARUE était le père de Félix Charles NOUVELLIÈRE puisque ce dernier et ses enfants prendront le nom de DELARUE-NOUVELLIÈRE, qu'ils partagent un prénom, ont la même profession, et surtout, aucun lien de parenté apparent. Cela reste d'ailleurs une possibilité. Mais continuons d'abord notre chemin dans ce contrat de mariage.

On comprend, par toutes ces actions dans le chemin de fer, comment ses enfants (dont Pierre DELARUE-NOUVELLIÈRE) furent passionnés de train. Voyons maintenant l'apport de la future épouse.

(source : Archives nationales - MC/ET/XIX/1193)
"La future épouse de son côté apporte en mariage, et se constitue 

personnellement en dot
Les habits, linge, robes, vêtements, Ichals [?], dentelles, bijoux, piano, musique
et autres objets à son usage personnel d'une valeur de Quatre mille 
francs, ci 4000"

C'est émouvant de savoir que du côté BRANCHU, on était musicien. Mon arrière-grand-mère que l'on peut voir sur l'arbre en haut de l'article jouait du piano et c'est sur son piano (dont nous avions hérité) que j'ai commencé la musique. Marie Renée TESTU (fille d'une BRANCHU) avait également un piano. Les actes de mariage de ses enfants m'ont appris que sa fille Marie Anne Rosa NOUVELLIÈRE sera professeur de musique à Montmorency et maître de chapelle (c'est à dire chef de choeur) aux Sables-d'Olonne. On peut penser que ce piano qu'elle apporte en dot aura une utilité et que la musique occupait une part importante dans la famille.

J'allais clore la lecture de l'acte, lorsqu'un le seul témoin présent (avec les parents de la mariée) a attiré ma curiosité.

(source : Archives nationales - MC/ET/XIX/1193)
Est présente à ce contrat Madame Anne ROUSSEAU, veuve de Monsieur Pierre Félix DELARUE. Vous vous souvenez, sur l'arbre en haut de l'article, de Marie ROUSSEAU, femme de Simon BRANCHU. Ma curiosité a été éveillée : et si Anne ROUSSEAU était de ma famille ? Et donc de la famille de Marie Renée TESTU ? Cela expliquerait en partie ce généreux legs universel à son futur époux. Quelques clics sur Geneanet et aux archives de Paris m'ont appris qu'Anne ROUSSEAU est en effet la soeur de mon ancêtre Marie ROUSSEAU, et dont la grand-tante de Marie Renée TESTU.

Liens de parenté entre Marie Renée TESTU et Anne ROUSSEAU
(source : Heredis 2014)
En allant vérifier son acte de mariage avec Pierre Félix DELARUE, j'ai bien eu la confirmation de mes doutes.

(source : Archives de Paris - V4E 1006 - p. 16)
"Acte de Mariage de : Pierre, Félix, Delarue, architecteChevalier de la légion d'honneur, âgé de soixante neuf ans, né à Thiais [...]le Vingt-quatre Nivose, An trois, (treize Janvier Mil sept cen quatre vingt-[...]demeurant à Paris, rue de Milan N°17, majeur, Fils de : Pierre, Delarue et de Marie, Elisabeth, Piot, son épouse, tous deux décédés. Le futur veuf de Marie, Louise, Ermance, Patinot, décédée au Mans (Sarthe) le premier Nove[mbre]Mil huit cent soixante-troiset de Anne Rousseau, rentière, âgée de quarante-qua[tre]ans, née à Souligné sous Vallon, arrondissement du Mans (Sarthe) le Vingt-six Décembre Mil huit cent vingt, demeurant à Paris, rue de MilanN 17, majeure, Fille de : Pierre, Rousseau et de Jacquine, Nouvellière, son épouse, tous deux décédés"
Pour m'ôter tout doute (bien que le lieu de naissance, la période, et le nom des parents correspondent à mes ancêtres),  les deux témoins du côté de la mariée sont Louis ROUSSEAU, entrepreneur en menuiserie au Mans et Auguste ROUSSEAU, restaurateur au Mans, ses frères, dont les noms, l'âge et la signature sont exactement identiques aux frères de Marie ROUSSEAU mon ancêtre. Maintenant que j'en savais plus sur les liens entre Pierre Félix DELARUE et son héritier, j'ai voulu me renseigner sur ce personnage. Et là, festival de surprises.

Tout d'abord, ce monsieur possède une page Wikipedia. J'y ai appris (ainsi que sur de nombreux sites qui lui sont consacrés) que c'est lui qui a bâti en 1842 l'ancien théâtre du Mans.

Pierre-Félix DELARUE, Photographie du foyer du théâtre municipal du Mans en 1842, 1842
(source : domaine public, via Wikimedia Commons)
J'ai été de nombreuses fois dans ce théâtre, mais j'y ai également joué de nombreuses fois comme apprenti musicien au conservatoire. C'est touchant de découvrir que c'est la mari d'un membre de ma famille qui l'a construit.

 Pierre-Félix DELARUE a également été restaurateur et conservateur de monuments historiques. Il est en charge de la restauration de la Cathédrale du Mans et de celle de Sées, ainsi que de la façade Nord du château du Lude. Il bâtit le château du Luart (il est spécialiste des châteaux de style renaissance), les églises de Mayet et d'Ecommoy (où ont vécu mes ancêtres) et reconstruit le Musée de Tessé après la guerre de 1870. Tous ces monuments me sont biens connus car j'ai grandi dans la Sarthe. D'une certaine manière, cette découverte (que je n'aurais jamais pu faire sans la lecture de ce contrat de mariage d'une cousine) me rattache un peu plus à ma ville natale et me connecte à ses lieux.

samedi 16 août 2014

Gustave Fernand BENOIT, un cousin Mort pour la France

François Maurice BÉNOIT + Julie CHEROUVRIER
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Ferdinand BENOIT                   Gustave BENOIST
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Ferdinand Gustave BENOIT         Joséphine Marie BENOIST
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Gustave Fernand BENOIT      Madeleine Marie Victorine BRANCHU
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                                             Ma grand-mère
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                                              Mon père
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                                               Moi

Gustave Fernand BENOIT voit le jour au Mans en 1891. C'est le fils de Ferdinand Gustave BENOIT et de Joséphine Célestine PILLARD. Son père est l'un des rare de la fratrie de douze enfants (avec mon ancêtre Gustave) à ne pas être un criminel de droit commun. Les autres passent quasiment chaque mois devant le Tribunal correctionnel du Mans pour "ivresse", "coups et blessures" ou "chasse sans permis". 

Ferdinand Gustave, le père, a déjà servit dans l'armée puisqu'il est soldat de 2e classe au 2e régiment d'infanterie de marine et fera la campagne du Tonkin en guerre en 1883.

(source : Archives départementales de la Sarthe - BENOIT Ferdinand Gustave 1881)
Gustave Fernand, le fils, se marie le 29 juillet 1914 avec Clémentine Eugénie ANJUBAULT. Quelques jours plus tard, c'est la mobilisation générale en France.

(source : Archives départementales de la Sarthe - 5Mi 191_392 - p. 151)
La plupart de ses oncles qui passent leur vie en prison a été réformé pour problèmes respiratoires, mais Gustave Fernand va à la guerre. Il est alors maçon et a le grade de caporal dans l'armée. Il sait lire et écrire et a son prénom, "Fernand", tatoué sur le bras droit. 

(source : Archives départementales de la Sarthe - 1 R 1218 - p. 221)
Il sert dans le 115e régiment d'infanterie, constitué principalement de Sarthois et de Mayennais pendant la Première Guerre mondiale. Voici comment ce régiment est décrit dans son historique rédigé après la guerre.

(source : *, Le 115e Régiment d'Infanterie (Dans la Grande Guerre), Mamers, Imprimerie Alfred Chevalet, 1920, p. 1)
Le 115e RI est directement dans le feu de l'action à Verdun puis essuie de nombreuses batailles dans la Somme. Gustave Fernand BENOIT meurt le 17 octobre 1914 au Quesnoy-en-Santerre (Somme), âgé de 23 ans. Il s'était marié trois mois auparavant.

(source : Secrétariat général pour l'administration / Mémoire des hommes - BENOIT Gustave Fernand, 25-07-1891)

lundi 11 août 2014

Pierre DELARUE-NOUVELLIÈRE, mon cousin illustrateur

Simon BRANCHU + Marie ROUSSEAU
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Marie Françoise BRANCHU     Victor Auguste BRANCHU
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Marie Renée TESTU                     Louis Victor BRANCHU
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Pierre Charles DELARUE-NOUVELLIÈRE       Madeleine Marie Victorine BRANCHU
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                                                     Ma grand-mère
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                                                  Mon père
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                                                    Moi

Tout à commencé alors que je recherchais le décès de mon ancêtre Louis Joseph CHOPLIN, dans les tables décennales du Mans (Sarthe). Je me suis dit que j'allais voir à tout hasard si je trouvais l'acte de premier mariage de mon arrière-arrière-grand-oncle Georges Victor Marie BRANCHU.

(source : Archives départementales de la Sarthe - 1E360 - p. 43)
Dans son acte de second mariage, au Mans en 1915, il est dit veuf d'Anne Marie PICHER. J'ai rapidement trouvé l'acte et je me suis précipité vers ce nouveau document. Je regarde attentivement les témoins du mariage (c'est toujours une curiosité de voir quels sont leurs amis ou famille du moment) quand un détail m'interpelle.

(source : Archives départementales de la Sarthe - 5Mi 191_410-411 - p. 325)
Aux côté de l'immortel Louis ROUSSEAU, le grand-oncle témoin d'à peu près tout ce qui se passe au Mans dans ma famille au long du XIXe siècle, se trouve un Charles DELARUE, architecte à Montmorency (Val-d'Oise) qui est dit "cousin du mari"

Il faut être honnête, si je n'étais pas curieux, j'aurais ajouté ce Charles DELARUE dans mon arbre (puisque ce nom n'y existait pas encore) et je me serais arrêté là. Seulement, je venais de faire toute la généalogie descendante des BRANCHU et j'étais tracassé de n'avoir pas trouvé de lien avec ces DELARUE. C'est alors que mon regard s'est penché sur la palette de droite de mon logiciel Heredis 2014.

(source : Arbre familial, Heredis 2014)
En observant les cousins de Georges BRANCHU, je me suis souvenu que sa cousine germaine Marie Renée TESTU avait épousé un architecte. L'âge et la profession correspondent, d'autant qu'il vivait à Paris au moment du mariage (le Val-d'Oise n'est pas très loin), mais le nom ne correspondait pas : Félix Charles NOUVELLIÈRE. J'ai donc un individu qui pourrait correspondre par son prénom, sa profession, son âge et son domicile avec notre individu. Comment prouver que Charles DELARUE et Félix Charles NOUVELLIÈRE ne sont qu'une seule et même personne ? 

Direction le site des Archives départementales du Val-d'Oise. Si ce Charles DELARUE vivait à Montmorency en 1895, avec un peu de chance, je pourrais le trouver sur le recensement de 1896. 

(source : Archives départementales du Val-d'Oise - 9M 736 - p. 134)
Le recensement s'est avéré généreux. J'ai bien trouvé mon individu, nommé par son premier prénom seulement, mais avec ses deux noms de NOUVELLIÈRE-DELARUE. Sa femme est nommé et ses noms, prénoms et âge correspondent. Mais alors, pourquoi ce deuxième nom de famille ? Tout simplement parce qu'il a dû être reconnu par son père, un Monsieur DELARUE, après son mariage en 1875, où il était indiqué comme ceci : 

(source : Archives départementales de la Sarthe - 5Mi 101_25-27 - p. 150)
"fils majeur, naturel non reconnu d'Eugénie Nouvellière"

Il n'était pas encore reconnu au moment du mariage. Cela a dû être fait après, car lors de la naissance de son fils cadet, il est nommé Félix Charles NOUVELLIÈRE, dit DELARUE, avant d'accoler les deux noms définitivement. L'aventure aurait pu s'arrêter là, mais ma curiosité m'a fait taper le nom de DELARUE-NOUVELLIÈRE sur Google pour voir si je trouverais des renseignements sur cet architecte. Et c'est son fils que j'ai trouvé : Pierre DELARUE-NOUVELLIÈRE, célèbre illustrateur et photographe spécialisé dans les trains, dont de nombreux sites font mémoire. Une rue de la ville d'Orsay (où il est décédé en 1973) porte également son nom.

(source : Carcatalog)
Notre cousin est un célèbre illustrateur et photographe. Il travaille notamment beaucoup pour la marque Dunlop et vous pouvez voir ses nombreuses illustrations sur ce site internet. Mais il a également réalisé des eaux fortes pour illustrer "En Rade" de HUYSMANS.


(source : Librairie Le Beau Livre)
Mis à part le célèbre écrivain HUYSMANS, il travaille également avec l'humoriste Alphonse ALLAIS pour lequel il réalise de nombreux dessins que l'on peut trouver sur Gallica/BnF.

Alphonse ALLAIS, À se tordre, illustrations de DELARUE-NOUVELLIÈRE, Paris, Albin Michel, 1925, p. 55
(source : Gallica/BnF)
Il s'essaie aux effets spéciaux photographiques dans ses Fantaisies photographiques dont il est l'auteur (je viens d'en commander un exemplaire sur internet). C'est un fait amusant car son cousin Louis Victor BRANCHU est photographe à Paris au début du XXe siècle. Il travaille également avec l'acteur Bernard BLIER pour lequel il réalise des photographies. Sa spécialisation reste les dessins de train, une véritable passion. Vous pouvez voir de très beaux dessins de lui sur ce site. Voilà comment, avec un peu de curiosité et de patience, j'ai retrouvé cet autre membre de la famille ayant une fibre artistique.

(source : Frédéric Delaitre's railway pages)