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vendredi 12 avril 2013

Vivre à Châteauneuf depuis 832 ans


Ma famille maternelle est originaire de Châteauneuf-sur-Cher, et y est implanté depuis extrêmement longtemps, comme nous allons le voir. L'acte le plus ancien concernant un de nos ancêtres ayant vécu à Châteauneuf est une charte de l'Abbaye de Noirlac de 1181.

(Abbaye de Noirlac, source : Goldmund100, licence CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons)
La personne ayant ratifié cette charte se nomme Renoul de Culant, seigneur d'Issoudun et de Châteauneuf-sur-Cher en partie et baron de Culant. Son fils, Hélie, obtiendra du Roi Philippe Auguste en échange de la seigneurie d'Issoudun le tiers manquant de la seigneurie de Châteauneuf et sera donc baron de Culant, de Châteauneuf-sur-Cher et de Saint-Désiré.

Les armes des Culant se blasonnent ainsi : d'azur, semé de molettes d'or, au lion de même brochant.

(source : dessin personnel, licence CC BY-SA 3.0)
Les couleurs (or et azur) sont celles de nombreuses familles de France puisque ce sont celles des armes de la famille royale. Les molettes symbolisent des éperons de cavalier. Le lion est un attribut fréquemment porté par les familles nobles.

Pendant 832 ans, notre famille a donc vécu à Châteauneuf-sur-Cher, voici la descendance depuis Renoul de Culant jusqu'à mon arrière-grand-père :


  • Renoul de Culant
  • Béatrix de Culant
  • Pierre de Bastard de Sainte-Solange
  • Guillaume de Bastard
  • Jehan de Bastard de Sainte-Solange
  • Macé de Bastard
  • Jacques de Bastard
  • Guillaume de Bastard
  • N. de Bastard
  • Jeanne de la Loë
  • Pierre Godard
  • Françoise Godard
  • Pierre Jaupitre
  • Etienne Jaupitre
  • Pierre Jaupitre
  • Pierre Jaupitre
  • François Jaupitre
  • Pierre Jaupitre
  • Catherine Jaupitre
  • Hélène Buret
  • Anne Prigat
  • Jeanne Virginie Douard
  • Victorinne Robert
  • Virginie Monory
  • Pierre Marie Joseph Frémeau

vendredi 1 mars 2013

Vérifier les nobiliaires, l'exemple de Jean Gaspard de Bastard de la Rolle


Dans mon récent article sur Jean de la Loë, j'ai parlé brièvement de son beau-père, Guillaume de Bastard, qui s'occupe de la vente par le roi Charles VII de la Ferme du Treizième du Vin. Descendant donc de cette famille de Bastard (qui doit son patronyme a des origines remontant à un bâtard d'un comte de Nantes, issu des ducs de Bretagne), j'ai remonté sa généalogie grâce au merveilleux livre écrit par Jean de Bastard, comte d'Estang : Généalogie de la Maison de Bastard.

Jean de Bastard, comte d'Estang (source : Généalogie de la Maison de Bastard, par Jean de Bastard, via Google Books)
Ce genre de livres généalogiques écrits par un membre de la famille et donc centrés sur une seule famille, sont généralement beaucoup plus fiables que les nobiliaires généralistes écrits au XIXe siècle du type du Dictionnaire de la Noblesse de La Chesnaye-Desbois qui contient beaucoup d'erreurs. J'ai tendance à préférer ces généalogies familiales écrites, ainsi que celles dressées par les généalogistes royaux tels le Père Anselme, pour faire mes recherches sur les branches nobles de la famille.

Même si généralement de tels livres ont été écrits avec soin suite à l'étude des cartulaires, testaments et autres documents anciens qui permettent de remonter les généalogies nobles avant l'édit de Villers-Cotterêts, j'aime bien vérifier, quand je le peux, les informations qu'ils contiennent.

Dans le cas de la famille de Bastard, dont je m'amuse à descendre les différents rameaux pour voir ce que sont devenus nos cousins, je suis tombé sur Jean Gaspard de Bastard de la Rolle. Voyons ce que notre auteur dit de lui :


(source : Généalogie de la Maison de Bastard, par Jean de Bastard, p. 68-69, via Google Books)
La ville de Fleurance où vit cette branche de la famille de Bastard se situe dans le Gers, département dont les archives ne sont toujours pas en ligne. Je ne peux donc pas vérifier ces informations concernant ce personnage qui semble avoir côtoyé Louis XVI et Marie-Antoinette. Mais je peux vérifier s'il a bel et bien obtenu le grade d'officier de la légion d'honneur sur le désormais célèbre site des Archives Nationales : Leonor.

Dans son dossier de légion d'honneur que je trouve vite, classé aux archives de Paris sous la notice L0132012, je trouve une copie de son acte de baptême :

(source : Archives Nationales - LH/132/12 - p. 2)
"L'an mil sept cent soixante quatre et le vingt huit du mois de mars a été Baptisé par moi curé soussigné, jean gaspard Bastard, fils à Messire jean Gaspard Bastard subdegué de Mr L'intendant D'auch et dame Bonnaventure francoise dubary de Colomé né de legitime mariage né de la veille : parain Messire jean Gaspard Bastard Chanoine chantre et vicaire général de lectoure absent et a tenu pour lui messire antoine Bastard Conseiller du roy et son receveur en L'election de lomagne, presens Pierre Derrey et Pierre Moulié qui n'ont scu signer Mellis curé Bastard larrey ainsi signé ..."
La date et le nom des parents correspondent. On voit que le curé oublie de mentionner la marraine de l'enfant, et que l'emploi de la particule pour cette famille n'était toujours pas, comme dans les anciens temps, systématique et qu'il s'agit probablement d'un péché d'orgueil de l'auteur de l'avoir ajoutée à beaucoup des membres de la famille. Rappelons, à toutes fins utiles, que noblesse et particule n'ont absolument aucun lien et que beaucoup de familles titrées n'avaient pas de nom de famille à particule.

En plus d'une lettre comptant ses états de services dans les Gardes du Corps du Roi, et d'une autre attestant de sa réception au grade d'officier dans l'ordre de la légion d'honneur, nous trouvons ce procès verbal d'individualité :

(source : Archives Nationales - LH/132/12 - p. 3)
"Cejourd'hui douze Juin mil huit cent Seize par-devant nous maire du Septieme arrondissement municipal de la ville de paris
Sont comparus MM. Jean Jacques leopold Adam Perruquier Patenté rue du temple n°24 et françois hohl Cordonnier léonard Schmitt Perruquier Patenté même demeure quartier du mont de piété que nous déclarons bien connaître ;
Lesquels ont certifié et attesté pour notoriété à tous qu'il appartiendra, qu'ils connaissent parfaitement M. Bastard (Jean-Gaspard) Lie.nt Colonel Retraité de Cap.ne nommé officier de l'Ordre royal de la Légion d'honneur, le seize may 1816 et sous le n° d'ordre
Ainsi qu'il résulte, de la lettre du Grand Chancellier en datte du 27 may 1816
1° Du Certificat du marechal duc de Tarente de Membre de l'Ordre royal de la Légion ;
2° De son acte de naissance ; né le 27 mars 1764, a fleurance Département du Gers
3° De l'état de ses services : en qualité de Brigadier des Gardes du corps du Roy Compagnie de Gramont 31 ans de Service ainsi qu'il résulte d'un extrait du controle de la dite compagnie en date du trente aout 1816
lesquelles Trois pièces par nous paraphées demeurent annexées au présent.
Et qu'il a été inexactement désigné sur la lettre du Gd. Chambellan de l'Ordre royal de la Légion d'honneur, sous les noms et prénoms de De Bastard Seulement, sans prénoms, au lieu de Jean Gaspard, qui sont ses vrais prénoms, et qu'il a été bien désigné sur l'état de ses services, ses nom et prénoms devant être, d'après son acte de naissance, écrits ainsi sur les nouveaux registres de matricules et listes officielles.
Nom Bastard Prénoms Jean Gaspard
Explication Sommaire
Jean Gaspard Bastard
En foi de quoi nous avons délivré le présent, qu'il a signé avec nous.
Fait à Paris le Douze juin 1816."
Dure vie pour la noblesse avec l'apparition de l'état civil, où Jean Gaspard de Bastard de la Rolle dit "le chevalier de Bastard" devient simplement Jean Gaspard Bastard. On y voit également que l'ordre de la légion d'honneur fut récupéré par la monarchie de la Restauration. Malgré cette modification d'état civil, notre chevalier continua de signer sous son nom d'usage :

(source : Archives Nationales - LH/132/12 - p. 3)
Merci en tout cas aux Archives Nationale de mettre en ligne ces dossiers de Légion d'Honneur que je ne me lasse jamais de consulter tant ils sont remplis d'anecdotes qui donnent du coeur aux membres disparus de nos familles. Et j'ai maintenant un peu plus d'assurance que ce que raconte le comte d'Estang dans son livre est vrai tant toutes les informations concordent.

Conclusion, ne recopiez pas bêtement les nobiliaires (ou les généalogies des autres) : vérifiez !

jeudi 28 février 2013

Jean de la Loë aide financièrement Charles VII et Jeanne d'Arc


Jean de la Loë est un homme retrouvé dans mon ascendance berrichonne côté Jaupitre. Il s'agit de mon ancêtre à la 19ème génération (ça commence à faire).

(source : Arbre familial, via Geneanet)
La chance que j'ai, c'est que Jean de la Loë a joué un petit rôle dans l'Histoire de France qui l'a fait connaître des historiens locaux et qui me permet d'avoir de nombreux et riches renseignements à son sujet.

Tout d'abord, voici ce qu'en dit un cousin, Jean de Bastard, comte d'Estang, dans sa Généalogie de la famille de Bastard dont nous descendons également et qui avait déjà fait alliance avec la famille de la Loë.

(source : Généalogie de la famille de Bastard par Jean de Bastard, via Google Books).
Cette famille fait donc partie des nombreuses autres ayant émigré de Flandre ou de Bretagne vers le Berry à une époque où les foires de Bourges comptaient parmi les plus importantes du royaume. Ayant trois fleurs de lys de gueules sur ses armes, je me doutais qu'il s'agissait d'une concession royale. Pour les trois alouettes qui les entourent, il s'agit bien sûr d'armes parlantes (sorte de rébus, ou jeu de mots, dans les armoiries) : la loë = l'alouette.

(source : Histoire du Berry par Jean Chaumeau)
Jean Chaumeau, dans son Histoire du Berry, nous donne une très élégante représentation des armes de Pierre de la Loë (frère de Jean), échevin de Bourges et valet de chambre du Roi.

C'est dans un livre intitulé L'Ancien Coutumier du pays de Berry (XIVe et XVe siècles) écrit par Émile Chénon, que j'ai trouvé de nombreux renseignements sur mon ancêtre Jean de la Loë, qui semble avoir été le dernier à rédiger le Coutumier de Berry (texte régissant le droit selon la coutume). Voici ce qu'il nous en dit :
"Ce Jehan de la Loë n'est pas un inconnu. C'était un "notable bourgeois" de Bourges, qui portait d'azur à une fasce d'argent, chargée de trois fleurs de lys de gueules, et 3 alouettes d'or, 2 et 1 (changées plus tard en merlettes)."
Armes de la famille de la Loë (source : dessin personnel, licence CC BY 3.0)
 "En 1429, Jehan de la Loë eut l'occasion de rendre à Charles VII un signalé service. Jeanne d'Arc était alors occupée, "avec haut et puissant seigneur Monsieur d'Albret, comte de Dreux et de Gaure, lieutenant du roy en son pays de Berry sur le fait de la guerre", au siège de la Charité-sur-Loire, où commandait un rebelle opiniâtre, Perrinet Grasset (ou Gressart)."
Portrait de Charles VII par Jean Fouquet (source : domaine public, via Wikimedia Commons)
 "Pour "entretenir leurs gens estans en iceluy", Jeanne d'Arc et le sire d'Albret avaient grand besoin d'argent. Il leur fallait 1.300 écus d'or, "ou autrement eux et leurs dites gens devroient partir de devant ladite ville et lever ledit siege". Pour trouver cette somme, le roi fit mettre aux enchères la ferme pour un an du treizième du vin vendu en détail à Bourges, avec cette clause que le dernier enchérisseur paierait d'avance les 1.300 écus d'or. Ce fut Jehan de la Loë qui se porta adjudicataire pour la somme de 2.000 livres tournois, et qui paya les 1.300 écus, lesquels ne furent envoyés à Jeanne d'Arc que le 11 janvier 1430 ! Elle avait dû dans l'intervalle lever le siège." [...] "Quelques années plus tard, Jehan de la Loë, "quoique non gradué en droit", dit La Thaumassière, fut pourvu de la charge de lieutenant général du bailli de Berry. Cette nomination eut lieu très probablement en 1434."
En quoi consistait exactement cette tâche de lieutenant-général du bailli de Berry ? Voyons en quoi Wikipedia peut nous aider. A l'article bailli, je trouve ceci :
"Le bailli était, dans l'Ancien Régime français, le représentant de l'autorité du roi ou du prince dans le bailliage et chargé de faire appliquer la justice et de contrôler l'administration en son nom. [...] Vers le XVIe siècle, le rôle du "bailli" était devenu simplement honorifique, le Lieutenant général du bailliage et d'autres officier se répartissant son pouvoir."
Quant à la définition de lieutenant-général, voici ce que je trouve toujours dans Wikipedia :
"Le lieutenant-général de bailliage ou de sénéchaussée était le nom donné au juge-mage, chargé de suppléer au bailli ou au sénéchal dans les questions juridiques." 
Partons donc maintenant dans l'article sur les juges-mages de Wikipedia pour savoir en quoi consistait exactement cette fonction, première que semble avoir exercé Jean de la Loë :
"Le juge-mage, parfois écrit juge-maje, du latin judex major ("grand juge") est une ancienne fonction juridique variant selon les lieux et les époques. [...] Dans les circonscriptions de la France de l'Ancien Régime des sénéchaussées (de la fin du XVIe siècle à la Révolution) le juge-mage, également appelé lieutenant général, venait dans la hiérarchie immédiatement après le sénéchal. Il ne faut pas confondre la charge de lieutenant général avec le grade militaire de lieutenant-général en usage dans diverses armées, ou des charges sensiblement différentes portant ce titre. La charge était achetée. Le sénéchal lui déléguait ses pouvoirs de justice pour se consacrer à l'administration et au domaine militaire."
 On peut imaginer que Jean ait été nommé à sa charge par Charles VII suite à l'achat de cette ferme ; achat qui l'aida dans sa lutte pour reconquérir le trône, ainsi que peut-être à l'instigation de son frère, Pierre de la Loë, qui était valet de chambre de ce même Charles VII. Ou encore que les revenus tirés de cette ferme royale achetée pour un an l'aidèrent à acheter sa charge. Lieutenant-général équivaut dont  à une sorte de juge, et on voit que cette branche d'hommes de lois de ma famille a donc des origines lointaines dans ce corps de métier.

Émile Chénon continue en nous disant qu'il est sûr que Jean de la Loë a rédigé lui-même et annoté une partie du coutumier de Berry car, fait rare, il parle de lui à la première personne dans des affaires qu'il a jugé. Il aurait donc été lieutenant-général du bailli de 1434 à 1442.

"A cette époque, "à cause de son extrême vieillesse, caducité et maladies qui l'empêchoient de vaquer au fait de sa charge, et de faire les chevauchées, esquelles les lieutenans generaux étoient lors tenus", il en fut déchargé par le bailli de Berry, Poton de Xaintrailles, qui lui donna pour successeur Me David Chambellan, dont l'élection fut approuvée par Charles VII le 26 septembre 1443."
Pour nous donner une idée des vêtements de l'époque, voici une enluminure des Vigiles du roi Charles VII représentant à gauche Étienne de Vignolles, dit La Hire, capitaine du temps de Jeanne d'Arc et à droite Poton de Xaintrailles, bailli de Berry.

(source : domaine public, via Wikimedia Commons)
Après avoir été démis de sa charge, il fut nommé en lieu de retraite Maître des requêtes ordinaires de l'Hôtel du Roi. Voyons à nouveau Wikipedia pour comprendre ces fonctions médiévales :
"Les maîtres des requêtes ordinaires de l'hôtel du Roi étaient, depuis le Moyen Âge, des officiers propriétaires d'une charge extrêmement prestigieuse [...] Pour pouvoir devenir maître des requêtes, il fallait avoir exercé pendant six ans dans une cour supérieure (Parlement, Chambre des comptes) ; les enfants de magistrats de ces cours bénéficiaient d'une durée réduite de trois ans seulement. A l'origine, les maîtres des requêtes tenaient le tribunal des Requêtes de l'Hôtel." 
Voyons de quoi retourne ce tribunal :
"Le tribunal des Requêtes de l'Hôtel était, dans la France de l'Ancien Régime, un tribunal royal tenu à partir de la fin du XIVe siècle de façon permanente dans l'enclos du Palais à Paris par des conseillers du roi, appelés par la suite maîtres des requêtes, qui avaient compétence spour juger certaines causes privilégiées. Les Requêtes de l'Hôtel connaissaient en particulier des causes des personnes ayant droit de committimus, c'est-à-dire le droit d'être jugé, au civil et en première instance exclusivement à toute autre cour souveraine, devant les Requêtes de l'Hôtel de Paris ou devant les Requêtes du Palais au Parlement de Paris. Ce droit s'appliquait à certains particuliers comme les princes du sang, les ducs et pairs, etc., et aux membres de certaines communautés parmi lesquels les officier et domestiques de la Maison du roi, les magistrats des cours souveraines, les Trésoriers de France, etc." 
N'étant pas familier de la justice royale au XVe siècle, je pense que ces définitions s'imposaient pour comprendre un peu quel était le métier de Jean de la Loë. Il semble avoir exercé tout au long de sa vie un métier équivalent à celui de juge et de juriste. La cour étant en exil dans le Berry auprès de Charles VII, il est fort probable que le tribunal des Requêtes de l'Hôtel ait suivi Charles VII. C'est la raison pour laquelle un berrichon se retrouve avoir occupé cette charge souvent occupée par des familles parisiennes.

On se rappelle un peu plus haut que Jean de la Loë, à une époque précédant sa nomination au poste de lieutenant-général du bailli, avait acheté au roi des vignes pour soutenir l'effort de guerre de Jeanne d'Arc. (Y a-t-il un lien avec sa nomination ? Est-ce une récompense pour avoir aidé le roi ?)

Gaspard Thaumas de la Thaumassière nous donne dans son Histoire de Berry de très nombreux renseignements sur les familles d'échevins et de maires de Bourges, et notamment le procès verbal de Guillaume de Bastard, futur beau-père de notre Jean de la Loë (et donc un autre de nos ancêtres), à l'époque lieutenant-général du bailly de Berry, ainsi que docteur en droit canon et civil, capitaine de 58 hommes d'armes et de 42 hommes de traits, conseiller du Roi, maître des requêtes de l'Hôtel du Roi, commissaire royal sur le fait des aides en Berry et, pour ce qui est de ses titres, Chevalier, Seigneur de Terland, des cens de Machereau, de Boismort, de Saint-Germain-des-Bois en partie et de Maultrot et Vicomte de Fussy. C'est toujours émouvant de retrouver des documents écrits de la main de nos ancêtres et confirmant les informations trouvées dans divers nobiliaires et généalogies. En voici le texte :

(source : Histoire du Berry, par Gaspard Thaumas de la Thaumassière, via Google Books)
"A Tous ceux qui ces presentes Lettres verront. Guillaume Bâtard licentié en Droit Canon & Civil, Lieutenant General de Monsieur le Bailly de Berry, Salut. Sçavoir faisons qu'aujourd'huy Nous seans en Jugement, illec assistans plusieurs des plus notables Bourgeois & Gens de Conseil de ladite Ville, est venu pardevant Nous Pierre de Beaumont Procureur desdits Bourgeois & Habitans de ladite Ville de Bourges : Disant que promptement & sans délay falloit envoyer par iceux Bourgeois & Habitans de la Ville de Bourges à Haut & puissant Seigneur Monsieur d'Albret Comte de Dreux & Gaure, Lieutenant du Roy en son Pays de Berry sur le fait de la Guerre, & Jeanne la Pucelle étant au Siege devant la Ville de la Charité sur Loire, par l'Ordonnance & Commandement du Roy nôtre dit Sire, la somme de treize cens Ecus d'or courans à present, pour entretenir leurs gens, ou autrement commande eux & leursdites gens de partir de devant ladite Ville & lever ledit Siege, qui seroit plus grand dommage pour ladite Ville & tout le Pays de Berry si ledit Siege étoit levé, pour defaut de payement de ladite somme, & qu'on ne trouverois aucuns Bourgeois particuliers de ladite Ville qui préteroient icelle somme, & mettroient à prix ou enchere la Ferme du Treiziême du Vin vendu en détail en ladite Ville de Bourges pour un an, commencé le onziême de present mois de Novembre, pourvû tout voye que en faisant le Bail de ladite Ferme seroit dit, & aussi tenu que quiconque mettroit sur ladite Ferme, & elle luy demeurât à l'enchere comme au plus offrant, & icelle tierceroit & doubleroit sur le premier prix, bailleroit avant toute oeuvre, & restituroit ladite somme de treize cens Ecus à celuy ou ceux qui l'auroient prêtée reaument ; & de fait, avant qu'il joüisse de ladite Ferme, ou cas que ladite somme de treize cens Ecus auroit été baillée pour le fait dessus dit, par celuy ou ceux qui de present tenoient ou tiendront ladite Ferme,ou esquels ladite Ferme demeureroit à l'enchere ; & aussi afin que ladite Ferme fut de plus grande valeur, & plus promptement icelle somme de treize cens Ecus être trouvée, que voulussions donner Congé, Licence ez quatre Commis & Elus au Gouvernement de ladite Ville pour cette presente année, de mettre ou faire mettre sur ladite Ferme, si bon leur sembloit, ou être Compege d'icelle, afin que pour le tems à venir on ne les en pût traiter à autre, ny aucune chose decider ou donner charge pour le tems à venir, en Nous requerans que ladite Ferme fassions crier à l'enchere sous les conditions devant dites ; & aussi donner la licence & congé devant dites ausdits Elus & Commis au Gouvernement de ladite Ville, pour plutôt avoir & finer ladite somme de treize cens Ecus que promptement leur falloit bailler pour obvier à ce que dit est ; & pour plus seurement proceder, se pouvons faire les choses dessusdites, aprez lesdites Requêtes à Nous ainsi faites, avons demandé l'opinion desdits Bourgeois & Gens de Conseil aussi assistans comme dessus est dit, l'un aprez l'autre, se pouvons faire les choses desssusdites ; & s'il est d'accord en tant comme il lair touchoit des choses dessusdites ; Lesquieux Nous ont répondus que licet & faire le pouvions pour obvier à plus grand dommage & inconvenient & y donnoient leur consentement. Pourquoy Nous oy la Requête, Opinions, Consens dessusdits ;  Nous ausdits quatre Commis & Elus audit Gouvernement de cette Ville, avons donné Congé, Licence & autorité de par le Roy, de mettre ou faire mettre sur ladite Ferme & d'icelle être Compeige, pour telle part & portion que bon leur semblera, si en tant que faite, le pouvons & devons de raison, sans ce que pour le tems à venir, à cause de ce on leur en puisse aucune chose demander, ne donner charge aucune, & incontenant avons fait crier à l'enchere ladite Ferme, sous condition que celuy ou ceux à qui demerroit ladite Ferme à l'enchere, ou particulierement ou doublement ; promptement & sans delay & avant qu'il joüissent d'icelle Ferme, bailleroint reaument & de fait lesdits treize cens Ecus d'or, pour envoyer esdits Monsieur d'Albret & la Pucelle audit Siege, pour entretenir leurs Gens étans en iceluy. Laquelle Ferme aprez plusieurs Cris est demeurée à l'Enchere, comme au plus Offrant & dernier Encherisseur en notredite presence à JEHAN DE LA LOE Bourgeois de Bourges, au prix & somme de deux mil livres tournois Lequel Jehan a promis bailler & fournir incontenant lesdits treize cens Ecus pour ce que promis & convenu luy a été par lesdits Commis & Elus au Gouvernement de ladite Ville, Bourgeois & gens de Conseil aussi assistans pardevant Nous, que nul ne seroit reçu à tiercer & doubler ladite Ferme que prealablement il paye, rende & restituë audit Jean de la Loë lesdits treize cens Ecus, & ce à tous qu'il appartiendra. Certifions par ces presentes Lettres, comme de fait ez jours tenus à Bourges par Nous Lieutenant susdit, & donné sous le Scel des Causes dudit Bailliage le 24. jour de Novembre l'an 1429. CHASTEAUFORT."
 Plusieurs questions restent en suspens. Lorsque Jean de la Loë achète la ferme, Guillaume Bastard est-il déjà son beau-père ? Tout ce qu'on sait, c'est que sa fille épouse en deuxième noce Etienne Vallée, procureur du Roi à Bourges en 1455. Elle avait épousé en premières noces mon ancêtre Pierre Godard marchand associé de Jacques Coeur. Si Jean est déjà l'époux de la fille de Guillaume Bastard, y a-t-il eu favoritisme pour l'acquisition de la ferme royale ?

Voici en tout cas la belle ascension sociale d'un bourgeois, fils d'un breton arrivé à Bourges, qui épousa la fille d'un vicomte et s'associa aux hautes fonctions judiciaires de la province de Berry au XVe siècle. Ce qui est amusant dans toute cette histoire, c'est qu'en 1429, on appelait déjà Jeanne d'Arc : la pucelle !