Autrefois et jusqu'à un temps pas si lointain, la mortalité infantile était monnaie courante dans les familles et pratiquement chaque mère avait perdu un enfant. Ce fut le cas de ma grand-mère qui perdit un fils très jeune. Ou de mon arrière grand-mère qui perdit sa fille Jeanne morte à l'âge de deux ans. Plus j'ai remonté le temps, plus j'ai rencontré des fratries complètement décimées dont il ne restait qu'un survivant : notre ancêtre. C'est dans ces moments là qu'on se dit que notre existence ne tient qu'à un fil.
Je cherchais ce matin la descendance de Jean Rouet, vigneron à Déols (Indre) et de Marie Ferré son épouse. Marie s'est mariée très jeune : elle avait 16 ans, son mari avait 29 ans. Il aura la décence d'attendre qu'elle ait 20 ans avant d'avoir des enfants avec elle. Tout commence bien avec une Marie, née en 1754, puis une Anne née en 1755. Puis, ce sont le tour de deux jumelles : Marie et Jeanne.
J'ai malheureusement eu le réflexe de tourner la page d'après du registre que je consultais, sachant qu'au moins un des deux jumeaux avait coutume de mourir à l'époque où l'on n'avait pas de couveuse, les jumeaux naissant souvent prématurément. Nous sommes en 1757. Pendant qu'à Paris, Damiens vient d'échouer dans sa tentative d'assassinat du roi Louis XV, voici ce qui se passe dans un petit village de l'Indre :
(source : Archives Départementales de l'Indre - 3 E 063/003 p. 105) |
"L'an mil sept cent cinquante sept Le neuf de Janvier ont ete inhumees dans Le cimitiere de cette paroisse par moi ptre soussigné deux enfants Jumeaux decédés d'hier en cette paroisse Jeanne rouet et marie Rouet filles de Jean rouet vigneron et de Marie Ferrét Son Epouse ont eté presens au Convoi Marie Labrette et francois Collin Lesquels ont Declarés ne Scavoir signer de ce enquis"Un acte comme on en trouve beaucoup dans nos registres. Sauf que j'ai réalisé que la pauvre Marie Ferré avait seulement 23 ans et qu'elle venait de perdre deux enfants d'un coup. Comment ces femmes tenaient psychologiquement en ayant enfant sur enfant avec souvent plus de la moitié qui mourait en bas âge ?
La même année, Marie perdra également ses deux premières filles, Marie âgée de trois ans et Anne âgée d'un an et demi. Si jeune et déjà en deuil, passant de quatre enfants à aucun en une seule année. Aujourd'hui, j'ai une petite pensée pour Marie Ferré, née le 8 janvier 1734 à Déols.
Mais cette histoire de s'arrête pas là. Il faudra plus de deux ans à Marie avant d'envisager d'avoir à nouveau des enfants. Et comme souvent après un deuil, elle va vouloir protéger le nouveau né avec un double prénom, le premier pour le diable et le second pour Dieu. Voici l'acte de naissance de ce bébé providentiel :
(source : Archives Départementales de l'Indre - 3 E 063/003 p. 186) |
L'an Mil sep cens soixante le vingt deuxieme de octobre a eté Baptisé par moi Curé soussigné, Etienne Leocade né de ce jour fils de Jean Rouet vigneron dem. fauxbourg de cette ville et de Marie ferré son epouse. Le parrain a eté Etienne Damourette fils de Pierre Damourette marchand drapier, et de feüe Anne Rouet ; La mareinne Anne Soing fille de vincent Soing marchand, et de feüe marie flisseau tous de cette paroisse, qui ont signé avec moi le pere absentOn voit une différence avec le précédent acte. De nombreuses personnes qui savent toutes signer sont présentes, les parrains et marraines sont fils de marchands, niveau social légèrement supérieur ce qui peut faire espérer aux parents une meilleure situation pour leur enfant. Enfin, ce nom de Léocade. En faisant quelques recherches sur internet, j'ai vite trouvé que Saint Léocade est enterré dans l'église Saint-Etienne de Déols.
Estienne D'amourette Anne Soing Renaudin Rene fardeau
marie augoy Bourdesol Curé de Deols
(source : Patrimoine Culturel Français) |
Terrible témoignage en vérité et qui nous rappelle effectivement que nous devons d'être sur terre à bien des hasards ...
RépondreSupprimerJ'ai eu, du côté de mon épouse un drame assez terrible que j'ai redécouvert il y a quelques jours : le fils de 14 meurt, une semaine après le petit dernier de 10 mois meurt à son tour et encore une semaine après c'est le père qu'on enterre ... Cela fait furieusement penser à une maladie type grippe ou typhus. Se dire qu'on passe, sans crier gare d'une famille en bonne santé à une famille à laquelle il manque 2 enfants et un père en 15 jours est tout simplement épouvantable. Serions-nous seulement capable de le supporter de nos jours ?