vendredi 8 juillet 2016

Dispense de consanguinité entre Pierre GORJON et Jeanne PÂQUERON

Pierre GORJON + Jeanne PÂQUERON
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Alexis GORJON
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Silvain GORGEON
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Anne GORGEON
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Françoise PICOT
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Hélène Louise LAUBIER
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Juliette Berthe LECAS
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Ma grand-mère
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Ma mère
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Moi

Le 15 février 1751, Pierre GORJON, tisserand en toile, fils d'un défunt charron, épouse la fille du défunt roulier, Jeanne PÂQUERON dans la collégiale de Venesmes (Cher). Il est alors fait mention d'une dispense de consanguinité entre les deux époux.

(source : Archives départementales du Cher - 3E 839 - p. 2)
"n'ayant connois-
sance d'autre empêchement que d'un du quatriême degré de consanguinite dont les parties
ont ete dispensées par L'acte de dispense en datte du quinze du courant"

Le département du Cher ayant le luxe d'avoir un superbe site collaboratif où des bénévoles mettent à dispositions leurs photographies d'actes divers, dont les dispenses de consanguinité, je me suis retrouvé à nouveau confronté à pareil document extrêmement intéressant. 

(source : http://genlucie.free.fr/)
La lettre au cardinal archevêque de Bourges

Il commence par une supplique des deux futurs époux à l'aide de l'écrivain public BERTHON (Pierre GORJON sait signer, mais pas assez bien écrire pour une pareille lettre) au cardinal de LA ROCHEFOUCAULD, archevêque de Bourges. 

(source : Archives départementales du Cher - 2 G 114 / 1039)
"A Son Eminence
Monseigneur Le Cardinal
de la Rochefoucauld patriarche
archevesque de Bourges, ou a Lun de
Messieurs ses grands vicaires
Suplient humblement pierre Gorgeon Et
jeanne Paqueron pauvres habitans des
paroisses De venesme et de chasteauneuf Sur
cher en vôtre diocese
Disant que Led. Gorgeon est chargé D’un mariage
quil ne peut conduire par luy meme n’ayant n’y 
pere ni mere Et qu’il ne peut trouver
D Etablissement Sortable ayant Deia pris
Des mesures avec dautres party qui n’ont
Su reussir qu’avec Ladite Paqueront
De sorte quils se sont Lun et Lautre Engagé
par promesse de Mariage quils desirent
accomplir dans touttes Les formes, Ils ne Le
peuvent au faict de Lempeschement du 
quatrieme degré de consanguinité qui est entre
Eux Et comme Ils Sont pauvres et miserables
Et n’ont Les moyen denvoyer en cour de Rome
pour obtenir dispense dud. Empeschement
Ils ont Recours a vostre Eminence pour
En estre dispenséez et vous donnent a ces fins
La presente Requeste
Aux fins monseigneur quil plaise
a votre Eminence ayant Egard a La 
pauvreté des Suplians Les dipenser de
L Empeschement qui est entre eux, Ce faisant
Leur permetre de contracter mariage ensemble
en face de Leglise Les Ceremonies prescrite
gardés et observés Les Suplians ne cesseront de
Prier Dieu pour La prosperité et Santé de 
Vostre Eminence"

Rien ne vous a choqué ? Apparemment, Pierre GORJON n'a pas du tout envie d'épouser sa cousine : "Led. Gorgeon est chargé D’un mariage quil ne peut conduire par luy meme n’ayant n’y pere ni mere Et qu’il ne peut trouver D Etablissement Sortable ayant Deia pris Des mesures avec dautres party qui n’ont Su reussir qu’avec Ladite Paqueront De sorte quils se sont Lun et Lautre Engagé par promesse de Mariage". Ambiance ...

Fatalement, le procureur MOUZAY, et le vicaire-général de RADONVILLIERS demandent une enquête devant l'archiprêtre de Châteauneuf Claude COMPAING

(source : Archives départementales du Cher - 2 G 114 / 1039)
"Le Sieur Compaing cure et archiprêtre
de châteauneuf sur cher
que nous Commettons a cet effet pour ouir
Les tesmoins et Recevoir des Suplians Le
Serments declarations, et affirmations
Sur le necessaires en particulier de la Supliante
Si elle na point Eté ravie Contrainte forcé ou 
violenté pour consentir aud futur mariage
et Si C’est de son bon gré franche et Libre
volonté quelle Si est Engagé Et Sils doivent
Lun et Lautre Laccomplir"

Vu ma maigre expérience des dispenses de consanguinité, il semble qu'il s'agisse des formules classiques pour vérifier que la future épouse est véritablement consentante. Sachant que "la suppliante" en question se retrouve être le dernier choix de son futur mari qui n'a pas trouvé d'autre "parti sortable", elle supplie pas grand chose la pauvre. Nous avons donc droit à l'enquête. 

L'enquête à Châteauneuf-sur-Cher

Le 13 février 1751, tout ce beau monde a rendez-vous devant Claude COMPAING, licencié en théologie, archiprêtre curé de Châteauneuf, et son greffier, Maître Pierre Charles GODIN, prêtre vicaire de Châteauneuf, bachelier en théologie de l'université de Paris. 

(source : Archives départementales du Cher - 2 G 114 / 1039)
Le premier à être interrogé est Pierre GORJON. J'apprends qu'il est tisserand en toile et âgé de 20 ans (ces deux informations ne figuraient pas dans son acte de mariage). 

Suit Jeanne PÂQUERON qui dit être âgée de 26 ans, que son défunt père est roulier (à nouveau deux informations inédites). J'ai également la confirmation de l'étonnant nom de sa mère, Madeleine LAUVITU

Nous avons ensuite trois témoins entendus séparément :
  • Jean MERCIET, voiturier de 50 ans, oncle du futur époux
  • François GODET, marchand de 69 ans, non parent
  • Jacques COUPPÉ, aubergiste de 26 ans, non parent
Le premier se contente sobrement d'exposer leur lien de parenté qui est tracé dans un joli tableau (corrigeant par ailleurs une fausse filiation de leurs ancêtres BERNARD recopiés dans de nombreux arbres sur Geneanet par des gens qui n'ont pas pris la peine de consulter cette dispense de consanguinité). 

(source : Archives départementales du Cher - 2 G 114 / 1039)
D'un côté, Jean BERNARD est père d'Edmé BERNARD, qui est père de Roch BERNARD, qui est père de Madeleine BERNARD mariée à Alexis GORJON qui est mère de Pierre GORJON. De l'autre côté, ce même Jean BERNARD est le père de Jean BERNARD, qui est le père d'Anne BERNARD mariée à Jean LAUVITU, mère de Madeleine LAUVITU mariée à Pierre PAQUERON, mère de Jeanne PÂQUERON. Je suis fasciné par la capacité qu'avaient ces gens à connaître leur ascendance de mémoire sur quatre génération (alors que ce même Jean MERCIET qui témoigne ne sait pas écrire). Cela me fait penser à ma grand-mère qui pouvait citer ses ancêtres jusqu'à la Révolution et connaissait tous ses liens de cousinages (réels mais parfois très éloignés) dans le village. 

Le deuxième témoin apporte un complément qui confirme mon impression que ce mariage est un "moindre mal" pour le futur époux qui se rabat sur sa cousine faute de choix...

(source : Archives départementales du Cher - 2 G 114 / 1039)

"depose en outre que le dit gorjon est chargé d’un mariage qu’il ne peut
conduire par lui meme n’ayant ni pere ni mere qu’il a deja pris des
mesures pour se marier avec d’autres partis lesquelles n’ont pu reussir et que
eu egard à la petitesse du lieu il ne peut trouver d’autres partis sortables ce
qui le force de Se marier avec laditte jeanne paqueron qu’enfin ils sont
pauvres et miserables ne vivant que de leur travail et industrie et Sont hors
D’etat de fournir aux frais necessaires pour obtenir en cour de Rome une
dispense de L’empêchement qui est entre eux qui est tout ce que ledit temoin
a dit Sçavoir lecture à lui faite de Sa deposition il y a persisté et persiste Sans
vouloir y rien changer augmenter ni diminuer et a signé avec nous et notre
greffier"

N'en jetez plus ! À travers cet acte, je remonte non seulement les ancêtres de ce couple sur quatre générations, mais j'apprends en outre que Pierre GORJON avait essayé de trouvé d'autres femmes avant de se rabattre sur sa cousine. Sachant qu'il n'avait alors que 20 ans, il a dû commencer jeune ou avoir peu de choix "eu egard à la petitesse du lieu". Voici donc l'ascendance de leur fils sur cinq générations trouvée uniquement avec une dispense de consanguinité, montrant bien à quel point les documents autres que les registres paroissiaux sont extrêmement précieux. 

(source : Heredis 2014)


1 commentaire:

  1. Super article François ! Merci pour tout. Je n'ai pas encore eu l'occasion d'en étudier mais j'y vois grâce à toi une grande richesse.

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