(source : Archives départementales de la Sarthe - 1 MI 1172 R3 - vue 268/418) |
En 1768, Maître LAUNAY, le curé de Loué (Sarthe) dresse un bilan de la vie de la paroisse où mes ancêtres vivaient à l'époque.
"Après deux années consécutives d'une sécheresse qui avoit fait tarir presque toutes les eaux, tant de puits, de fontaines, que de rivieres même, au point que les eaux manquant partout le pain renchérit en plusieurs païs considérablement par la difficulté de faire moudre les grains. L'année 1768 ayant commencé par la même secheresse et ayant continué jusqu'à la pentecôte inclusivement, l'on craignoit partout une disette générale par cette raison ; mais la saison a tellement changé, que depuis la pentecôte jusqu'à la fin de l'année l'eau n'a pas discontinué de tomber tous les jours, exceptés trois semaines seulement, l'une au mois de juillet, l'autre au mois d'aoust et la derniere au mois de septembre, les autres intervalles de la pluye ont étés si courts, qu'une partie des biens de la terre a pourri avant qu'on en ait pu faire la récolte, les bleds ont germés sur l'écot par la longueur du séjour qu'ils y ont fait malgré les soins redoublés de tout le monde qui travaillait nuit et jour, quand il faisoit un jour passable."
"Le mois d'Aoust étoit prest à commencer que personne n'avoit mis la faucille dans les bleds qui germoient debout. La semaille a encore été plus difficile, les plus hardis laboureurs ont semés malgré les pluyes, les champs mouillés et bas ont pourris la semence, ou du moins elle n'a levé que tres loin a loin ; d'autres laboureurs n'ont semés qu'une partie de leurs cotaisons quelques uns enfin n'ont presque pas semé. Le Bled froment a vallu communément au mois de décembre sept livres quelques sols. Le froment de Mars vaut dix francs par lesperance qu'on a d'en semer au printemps. Le seigle a vallu cent dix sols. Ainsi des autres. Il n'a point été du vin, et le peu que l'on a cueilli a vallu jusqu'a 200 lt la pippe le vin a vallu jusqua 400 lt dans quelques cas. L'hyver de 1768 a presque égalé le froid de 1709 a un degré près."
"Les trois cloches de cette paroisse, avec trois autres, l'une pour La Quinte, l'autre pour Chassillé, et l'autre pour Le Creux succursale de Brulon ont étés fondues le vingt huit septembre 1768 tout à côté de l'église sur la place autrefois dite des halles à la rencontre du pignon du grand autel. Si jamais on se ravise d'en faire refondre il faudra pratiquer le fourneau dans un endroit plus éloigné de maisons, il n'est cependant arrivé aucun accident. En creusant la place du fourneau, l'on a trouvé plusieurs ossements de morts qui indiquent que l'église etoit entourée autrefois du cimetiere."
"L'on a déposé dans le trésor de la fabrice le sousseing (?) que cette paroisse a fait avec les fondeurs, quoique les cloches ne s'accordent pas suivant les conventions du concordat, cependant elles ont été reçues telles qu'elles sont, plutôt que de chicanner pour peu de chose."
"Pour savoir la pesanteur des trois cloches, consultez le registre au 28 de septembre."
"Autant que les pluyes ont étés abondantes cette année en France, autant les gazettes ont elles appris que l'Italie et plusieurs autres royaumes étrangers ont été désolés par une secheresse sans fin et une chaleur étouffante, dont on ne connaissoit pas d'exemple depuis 1738. "
"Les maladies ont été tres fréquentes depuis pasques surtout. Celle des fievres putrides qui ont étés très dangereuses et ont attaqué particulierement les jeunnes filles depuis quinze jusqu'a vingt cinq ans. Mais un grand nombre d'autres personnes en ont été malades. Il en est mort plusieurs. Ceux qui en sont revenus ont étés longtems languissants. L'on s'est plaint dans un grand nombre d'endroits, surtout dans le haut maine de la dissanterie qui a été si forte, que par ordre de Mr. l'intendant les médecins ont étés envoyés en quelques villes telles que mamert et bonnetable et autres."
"Les chemins sont devenus impraticables de tous côtés par le [...] qu'y ont fait les eaux pendant toute l'année, les charrois sont devenus presqu'impossibles. Et pour les voitures des sels les fermiers de vallon ont donné à quelques fermiers de cette paroisse jusqu'à trente sols par sac outre les douze sols six deniers de la paye du roy."
(source : Archives départementales de la Sarthe - 1 MI 1172 R3 - vue 286/418) |
"Cette année jusqu'au commencement du mois de Mars exclusivement a été pluvieuse ainsi que la plus grande partie de l'année précédente ; de sorte qu'une grande partie des terres en plusieurs paroisses n'a pu être ensemencée, surtout dans les terres fortes et mouillant. L'on avoit dans tous ces endroits differé (comme nous l'avons observé dans nos remarques de l'an dernier) la semaille esperant que le commencement de 1769 serait plus favorable pour les ensemencer, ce qui ne s'étant point trouvé, les terres sont restées ou incultes, ou cultivées par un mauvais tems : d'ailleurs les bleds de l'année précedente qui avoient trop souffert des pluyes n'étant pas de bonne nature n'avoient pas tant de disposition à bien lever, cest pourquoi la plus part des fermiers semoient deux boisseaux et demi par journal quelques uns en ont mis jusqu'à trois boisseaux dans les terres dont ils se defioient, et ils s'en sont bien trouvé."
"On labouroit cependant de tous côtés pour la préparation des menus grains, dans l'esperance d'avoir quelque relâche de la pluye, ce qui est arrivé pendant environ le mois de Mars ; ceux des fermiers qui ont profité de ce petit espace de tems pour semer leurs orges, ou froments de Mars en ont tous recueillis raisonnablement."
"De tout cela il est resulté que la récolte de toutes sortes de grains a été très petite, et que l'on met avec raison cette année au nombre des années de stérilité. Ajoutez a cela que le vingt huit mai il est venu une gresle si affreuse dans un tres grand nombre de paroisses qu'elle a coupé les bleds au point de n'en pas laisser un seul épi dans quelques champs, comme à Blandouet, à Vallon Neuvilette et ailleurs. Cette gresle etoit d'une grosseur extraordinaire semblable à des oeufs d'oyes, dont la figure étoit de toute espece, ronde, quarrée cilindrique, triangulaire : quelques unes pesoient jusqu'à sept qu[...] il y avoit alors dans un petit bois de Maigné des ouvriers qui coupoient, ils se renfermerent prudemment dans leurs cabannes, ou ils craignoient encore de ne pas échapper à la mort. Quand cette gresle qui ne dura pas plus d'un quart d'heure fut passée ces mêmes ouvriers remarquerent que chaque grain de gresle avoit fait une emprainte relative à sa figure et à a grosseur sur le bois qu'ils avoient pelé et sur celui qui avoit encore sa peau, la chute de la gresle avoit donné un contrecoup à la peau du côte opposé au coup de gresle et y avoit formé comme une empoule en detachant la peau d'avec le chesne. Le tems de la semaille a été des plus beaux presque tout le monde a eu semé avant la toussaint, surtout dans cette paroisse ou les terres sont assez commodes."
"Le bled de cette année a été d'une très bonne qualite depuis le mois d ejuillet et même quelque tems auparavant la saison est devenue très favorable. Le bled ne valloit que sept frans tandis que le nouveau vallait huit frans le boisseau de froment. il vaut à la fin de cette année neuf francs, le meteil huit livres dix, le seigle huit livres moins quelques sols. L'orge six livres cinq ou six sols, la mouture sept livres le carrabin jusqu'à quatre livres dix sols."
"Quoique le bled ne soit pas si cher qu'il étoit entre 1751 et 1752, (car on vendit alors du froment plus de dix francs), la misere de cette année est montée cependant à un plus grand degré. L'on voit des pauvres du côté du bas maine et notament de blandoüet qui disent avoir mangé longtems du Marc de pommes ; et venir demander l'aumone jusqu'ici avec des visages pâles et décharnés. Plusieurs de ces côtés la font dit-on du pain moitié carrabin et moitié gland de chesne. Heureux encore que pour reparer cette disette il est venu des bleds étrangers qui fourniront une partie de quoi faire subsister le bas maine qui amenoient ici vers la toussaint jusqu'à 200 chevaux pour transporter du bled tous les mardis, il en vient beaucoup moint à présent."
"Quoique la misere de cette paroisse ne soit point comparable à celle des paroisses dont nous avons parlé (car l'on a suffisamment recueilli pour l'année) cependant Mr le Curé a fait un catalogue des pauvres et un autres des riches en état de doner, il a mis a contribution tous les riches tant bourgeois que fermiers, les uns pour faire l'aumône en argent, les autres pour la faire en bleds. Il y en a qui donnent six francs, d'autres un ecu, d'autres quarante et parmi les fermiers les uns donnent un boisseau et demi, les autres un quartron par mois. Mr. le Curé et le prieure donnent deux boisseaux par mois chacun aux pauvres de la paroisse jusqu'au mois d'Aoust. Chaque pauvre à un ou plusieurs riches chez qui il demande son aumone au moyen d'un petit billet de recommandation que lui met en main Mr le Curé. Il y a environ vingt maisons pauvres dans cette paroisse qui toutes peuvent donner au nombre de cent pauvres chacun au reste donner aux étrangers à sa [...]"
"Le grand Autel s'est commencé cette année : les [...] qui l'ont entrepris Mrs. Aubri pere et fils ont taillé les premieres pierres depuis le commencement du mois de Mars jusqu'au mois de May les [...] ont cessés jusqu'à la toussaint. le premier dimanche de la toussaint l'on a transporté le S. Sacrement et les [...] de du grand autel à celui de la vierge par permission de Monseigneur. Le lendemain les ouvriers demolirent l'autel : et en rebatissant le nouveau il est arrivé un accident. Il y avoit à l'endroit de la niche qui est le plus [...] de la sacristie une fenestre fauree (?) qui tomba sur un nommé fenault, le jetta par terre, et lui fit une large blessure à la tête dont il est cependant que [...]" (manque la fin)
C'est génial quand on tombe sur un curé comme celui-là. Il ne sont pas si nombreux !
RépondreSupprimer